Le patrimoine immobilier anglican
Bien que la présence et la visibilité du patrimoine immobilier anglican du Québec soient plus restreintes, compte tenu d’un nombre historiquement beaucoup plus réduit de fidèles, il s’agit tout de même d’un patrimoine assez important en quantité, surtout dans certaines régions. On dénombre presque 250 temples et édifices anglicans au Québec, dont une cinquantaine dans la Montérégie, une quarantaine dans l’Estrie et une trentaine à Montréal. D’autres régions ont une présence significative, soit la Gaspésie et la région de Québec. En général, il y a davantage d’édifices anglicans dans les régions où les anglophones sont plus nombreux.
On peut cerner certaines caractéristiques dominantes, sinon communes, dans la plupart des églises anglicanes, surtout celles construites avant 1950. On a beaucoup utilisé le bois pour la construction, particulièrement parmi les églises petites et moyennes, réservant la pierre et la brique aux églises de plus grande dimension. Il n’y a pas de style dominant, même si, en général, on peut observer une tendance néo-gothique, plus ou moins marquée selon les cas (dans l’ensemble de l’édifice ou dans certains de ses éléments). L’utilisation du bois pour l’intérieur, de façon structurelle et/ou décorative, est une autre des caractéristiques d’une bonne part des temples anglicans.
La première église anglicane a été la cathédrale Holy Trinity, dans la ville de Québec, inaugurée en 1804. Construite en pierre, dans un style vaguement néoclassique plus évident à l’intérieur, elle abrite des tribunes latérales et arrière, ainsi que des vitraux de date et d’auteur inconnus. Dans la région de la capitale nationale, il faut mentionner aussi l’église Saint-Michael de Sillery, qui date de la moitié du XIXe siècle; elle est aussi construite en pierre, dans un style vaguement gothique, et la charpente en bois contraste avec la froideur du plâtre. À Saint-Gabriel-de-Valcartier, on remarquera la petite église Christ Church.
C’est en 1821 qu’a été construite la première église anglicane, sur la rue Saint-Jacques à Montréal, soit la cathédrale Christ Church, qui a été détruite par un incendie en 1856. En 1860, on l’a reconstruite sur la rue Sainte-Catherine, entre les rues University et Union, et elle a été inaugurée officiellement en 1867 par Mgr Francis Fulford. Il s’agit d’un édifice clairement néo-gothique, surtout à l’extérieur, construit en pierre, sur un plan en croix latine avec une nef à trois vaisseaux. On remarquera particulièrement la tour construite sur le transept qui monte en aiguille vers le ciel. L’intérieur, malgré son dépouillement, n’est pas austère mais accueillant, grâce en grande partie aux poutres en bois qui soutiennent le toit dans le vaisseau central de la nef.
À Montréal, il y a d’autres églises anglicanes remarquables du point de vue patrimonial : l’église Grace Church, construite en brique, où l’extérieur lourd contraste avec l’intérieur plus léger et accueillant; l’église Saint-James the Apostle, avec une combinaison réussie de pierre à l’extérieur et de bois à l’intérieur, le tout complété par des vitraux de dimension moyenne dans toutes les fenêtres; l’église Saint-John the Evangelist, bâtie sur un plan rectangulaire et avec une nef à trois vaisseaux, imposante par son volume et par l’utilisation de la pierre, sans présence de bois; l’église Trinity Anglican Memorial, plus récente, elle aussi imposante, qui a été construite en 1926 et qui présente une nef à un vaisseau et un plafond en bois qui en adoucit l’aspect.
Dans la région de l’Estrie, parmi les nombreux temples, quelques-uns sont dignes de mention en raison de leur valeur patrimoniale. À Danville, l’église Saint-Augustine, qui date de la fin du XIXe siècle, a été construite en brique; son intérieur en plâtre et en bois lui confère un aspect accueillant et chaleureux. La petite église en bois St. George de Stanstead, est aussi complètement tapissée de bois à l’intérieur, ce qui lui donne un air de foyer, très adéquat pour une petite communauté rurale de croyants. Dans la ville de Sherbrooke se trouve l’église Saint-Jean-l’Évangéliste, dont le style néo-gothique est masqué à l’extérieur par le revêtement de brique mais devient clair et évident à l’intérieur, grâce entre autres aux vitraux de Robert McCausland et Spence & Sons. Un cas semblable de style néo-gothique masqué par l’utilisation de la brique est celui de l’église Sainte-Anne de Richmond.
Dans l’Outaouais, à Aylmer, l’église Christ Church a été construite en pierre; à l’extérieur, l’austérité rappelle les châteaux médiévaux, mais à l’intérieur, l’utilisation intelligente du bois pour les plafonds des trois vaisseaux de la nef et de vitraux, qui datent du XIXe comme du XXe siècle, en adoucit l’aspect. À Gatineau, l’église Saint-James, construite au début du XXe siècle, affiche encore un certain style néo-gothique, mais plus massif dans la forme à l’extérieur et très dépouillé à l’intérieur, où la froideur du plâtre l’emporte sur la chaleur du bois. Un cas semblable, quoique de style moins néo-gothique, est celui de la chapelle Saint-John de Quyon, qui a la particularité de présenter l’entrée principale et un clocher sur une façade latérale.
Dans la Montérégie, parmi les nombreuses églises anglicanes, il faut d’abord mentionner la Bishop Stewart Memorial of the Holy Trinity, qui a été construite en brique rouge vers la fin du XIXe siècle. Cette brique, visible aussi de l’intérieur, s’harmonise bien avec le bois de l’arc en mitre du plafond, qui assure une continuité avec les murs. Il faut aussi signaler le clocher en aiguille situé à la gauche de l’entrée principale. Un cas semblable de construction en brique du milieu du XIXe siècle est celui de l’église Christ-Church de Sorel, avec un clocher central mais des murs recouverts de plâtre. Beaucoup plus récente, datant du premier tiers du XXe siècle, l’église Saint-Barnabas de Saint-Lambert présente un arc en mitre partiellement recouvert avec du bois et des vitraux qui datent des années 1950 et ont été réalisés, entre d’autres, par C.W. Kelsey. De son côté, l’église Saint-Georgede Granby, qui date de 1908, imposante par son clocher carré, cache derrière ses murs de brique et sous son toit en ardoise, un intérieur extrêmement accueillant, fruit de la sage combinaison d’une voûte polygonale en bois et des colonnes légères qui soutiennent et séparent les trois vaisseaux de la nef. Des vitraux signés T.F. Curtis, Ward and Hugues complètent l’ensemble, d’une douce beauté. C’est aussi le cas de l’église Saint-James the Apostle de Stanbridge East, où les murs sont en brique et le toit en ardoise, qui accueille les fidèles sous en arc en mitre fait de bois, et les entoure avec les vitraux des fenêtres latérales.
Un cas semblable est celui de l’église Saint-James de Hudson, quoique son arc en mitre ait un aspect plus grandiose tout en demeurant accueillant. La vieille église St. James de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui date de 1817, est un cas tout à fait différent. Dans un style sobre, elle présente certains éléments néo-classiques, notamment le portique qui couronne l’entrée principale, et un arc intérieur surbaissé recouvert de plâtre, comme le sont les murs, lui confère une grande simplicité qui n’est équilibrée que par la présence du bois décoratif dans le cœur et les tribunes centrale et latérales. À Waterloo, l’église Saint-Luke, construite en 1870, malgré ses dimensions moyennes, s’impose par son clocher de plan carré et par un plafond élevé d’arc en mitre qui élargit et libère davantage tout l’espace intérieur articulé dans une nef à un vaisseau. La petite église Saint-Stephen de Chambly, dont l’allure rappelle celle de nombreuses églises catholiques des campagnes québécoises, accueille dans ses murs de pierre un intérieur intimiste et dépouillé, sans trop d’ornements et dominé par la blancheur du plâtre, qui lui donne une luminosité assez éclatante.
Il y a d’autres églises anglicanes intéressantes du point de vue patrimonial dans d’autres régions du Québec, où elles se trouvent en plus petit nombre. La région de Chaudières-Appalaches mérite une attention particulière; il faut absolument y voir au moins trois des sept temples. Tout d’abord, il y a la petite église Holy Trinity d’Irlande, toute en bois à l’extérieur comme à l’intérieur, qui a un arc en mitre et de hautes fenêtres garnies de vitraux, et dont l’intérieur se fait le reflet de la nature environnante. De son côté, l’église Saint-James de Saint-Jacques-de-Leeds, construite en bois en 1831, est un bel exemple de simplicité et d’intimité, grâce surtout à l’utilisation d’un arc surbaissé et du plâtre qui recouvre l’intérieur, sans aucune ornementation. Son toit vert contribue à son insertion harmonieuse dans le paysage naturel. Un peu moins ancienne, construite en 1847, l’église Saint-Paul de Saint-Simon-les-Mines présente elle aussi une grande simplicité intérieure, mais un peu moins d’intimité en raison de la hauteur du plafond de la voûte en forme d’arc déprimé.
Dans la région des Laurentides, il faut mentionner l’église Christ-Church de Saint-André-Est, construite en brique en 1821, qui a la particularité de présenter un plafond plat qui réduit les dimensions suggérées par l’aspect extérieur. L’église Holy Trinity de Sainte-Agathe-des-Monts est beaucoup plus récente, ayant été construite en 1925. L’extérieur plutôt ordinaire, en crépi, cache un intérieur en bois d’une extrême beauté, rehaussé autant par l’arc en mitre de la voûte que par les vitraux des fenêtres.
Finalement, parmi les 17 temples connus en Gaspésie, il faut mentionner l’église Saint-Andrew de Gaspé, construite entièrement en bois en 1929. L’extérieur simple et plutôt ordinaire abrite un intérieur qui, malgré l’austérité ornementale, demeure accueillant et inspirant, sans doute grâce à l’omniprésence du bois et à la voûte d’arc en mitre. De son côté, l’église Saint-James de Percé, datant de 1875, relève un pari semblable, bien qu’ayant utilisé un arc polygonal dans la voûte, tout en restant avare d’ornementations, avec des vitraux simples. L’église Saint-Lukede Percé semble vouloir se cacher dans la forêt environnante, au point où l’intérieur, entièrement en bois tout comme l’extérieur, ressemble plutôt à une grotte ou à une crypte souterraine tellement les fenêtres sont petites. On réussit ainsi à favoriser le recueillement et l’intimité. C’est aussi la sensation qu’inspirent l’église Saint-Paul de Percé et l’église Saint-Peter de Percé, bien que de façon moins prononcée en raison de la taille supérieure des fenêtres.
Ce contenu a été mis à jour le 3 août 2022 à 17 h 02 min.