La sauvegarde et la transmission du patrimoine religieux : quelques réflexions sur la dimension mondiale

Dark Age Ahead

Depuis quelque temps, la notion de patrimoine a évolué et est passée à une définition plus élargie que ce à quoi elle faisait référence : le simple bâtiment considéré de façon isolée. Ce phénomène mondial a des répercussions sur le processus de sauvegarde et d’appropriation de notre patrimoine. De plus, le patrimoine religieux n’est plus toujours employé selon sa vocation originelle. Malgré cela, le Québec doit relever le défi de transmettre le patrimoine religieux et sa signification à ses futurs citoyens.

Dans son livre Dark Age Ahead (New York, Random House, 2004), Jane Jacob, une urbaniste canadienne, énonce les conditions qui peuvent mener à la désintégration culturelle d’une société. Jacobs réfère aux premiers siècles du moyen-âge, lorsque s’est effectuée une rupture drastique avec le passé, au point de créer une « amnésie collective » chez les gens de son époque.

Jacobs propose cinq indicateurs qui aident à stabiliser une culture. Le plus important concernant le patrimoine religieux est celui de la « communauté », qui est essentielle pour encadrer les individus. Les institutions religieuses, avec les églises et les temples, font partie des caractéristiques de la communauté et contribuent à sa stabilité, autant par les valeurs spirituelles que par le patrimoine bâti.

Les églises de Chiloé, au Chili, les sanctuaires et les temples de Nikko, au Japon, et Ouadi Qadisha (la vallée sainte et forêt des cèdres de Dieu), au Liban, sont trois exemples de sites du patrimoine mondial de l’UNESCO qui témoignent d’une continuité culturelle.

Mais, souvent, les liens avec le passé ont été rompus, et la compréhension des sites ne reste que partielle ou est inexistante. Considérons trois autres sites de la Liste du patrimoine mondial où l’appropriation par des groupes est faible. Ces sites illustrent clairement une rupture et une perte de connaissance de la signification des lieux. Il s’agit de Stonehenge, d’Avebury et des sites associés situés au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, du temple d’Apollon Épikourios à Bassae, en Grèce, et du site de la culture Chaco, aux États-Unis d’Amérique. 

Ces exemples nous incitent à renforcer les liens entre le patrimoine matériel et immatériel, à l’échelle nationale et internationale, pour ne pas qu’il devienne impossible de retrouver le sens spirituel des sites. Certains spécialistes croient qu’il existe déjà une rupture entre la communauté québécoise et son patrimoine religieux.

En 2000, l’UNESCO a mené une discussion qui a conduit à la Convention de 2003, qui « met l’accent sur les aspects sociaux de la conservation ». « Elle reconnaît la nature évolutive du patrimoine immatériel », constamment recréé par les communautés en fonction de leur environnement. Elle inclut également le besoin d’éduquer la communauté et de la faire participer à son propre patrimoine.

Au Québec, cela signifie que le patrimoine devrait « être adapté aux nouveaux besoins communautaires » tout en respectant ses valeurs originelles, afin de prolonger son appropriation par la population. Ceux qui connaissent la signification du patrimoine doivent aussi transmettre son sens spirituel et immatériel.

Ce contenu a été mis à jour le 10 août 2022 à 20 h 38 min.